Histoire des jeux Mario en 2D : de Donkey Kong (1981) à Super Mario Bros. Wonder (2023)
4 septembre 2025
10 min

Histoire des jeux Mario en 2D : de Donkey Kong à Super Mario Bros. Wonder

Depuis ses humbles débuts en arcade jusqu’aux derniers exploits sur Nintendo Switch, la saga des jeux Mario en 2D a profondément marqué l’histoire du jeu vidéo. Chaque épisode majeur de cette série cultissime a repoussé les limites techniques et créatives de son époque, tout en proposant des mécaniques de gameplay inoubliables. Cet article retrace chronologiquement cette épopée : titres, dates de sortie, innovations visuelles et ludiques, anecdotes de développement et succès commerciaux seront détaillés pour chaque volet clé, sans oublier son impact culturel. Les fans de Nintendo et d’histoire du jeu vidéo y trouveront matière à redécouvrir les origines du héros moustachu et ses évolutions, du tout premier Donkey Kong (1981) à Super Mario Bros. Wonder (2023), en restant résolument centré sur les Mario 2D.

Les origines sur arcade – Donkey Kong (1981) et Mario Bros. (1983)

En 1981, Nintendo confie à Shigeru Miyamoto la réalisation d’un jeu d’arcade pour transformer des bornes invendues. Le résultat est Donkey Kong (sorti en juillet 1981). Ce titre de plates-formes novateur met en scène Jumpman (futur Mario) qui doit escalader des échafaudages pour sauver sa dulcinée Pauline du gorille Donkey Kong. C’est l’un des tout premiers jeux à faire du saut une action centrale. Le succès est immédiat : Donkey Kong devient le jeu d’arcade le plus lucratif de 1981-1982, imposant Mario comme mascotte de Nintendo. Miyamoto privilégie déjà la couleur et la personnalité graphique du héros, expliquant plus tard qu’il le représente en ouvrier de la tuyauterie (« plumber ») du fait de son environnement fait de tuyaux.

Deux ans plus tard, Nintendo enchaîne avec Mario Bros. (1983). Toujours en mode arcade, ce jeu introduit Luigi (le frère jumeau de Mario) et situe l’action dans les égouts de New York. Les frères Mario et Luigi doivent éliminer des créatures (tortues, crabes, etc.) qui sortent des tuyaux. C’est l’un des premiers jeux en coopératif et il jette les bases de nombreux éléments repris dans Super Mario Bros. Miyamoto et son équipe y ajoutent des détails amusants : Mario peut tomber de n’importe quelle hauteur sans danger (sauf flamme) – idée suggérée par Gunpei Yokoi pour réduire la frustration – et c’est dans ce contexte que l’on devine pourquoi Jumpman devint plombier (les tuyaux omniprésents). Luigi naît simplement d’un swap de palette graphique pour permettre le mode deux joueurs. Mario Bros. a ainsi fixé le concept des deux frères plombiers et préparé le terrain pour le vrai tournant NES qui arrive en 1985.

L’âge d’or sur NES (1985–1990) – Super Mario Bros. et ses suites

En 1985 Nintendo relance le jeu vidéo en Amérique du Nord avec Super Mario Bros., lancé sur Famicom (Japon) le 13 septembre 1985 puis sur NES dans le reste du monde. Cet épisode révolutionnaire de plates-formes, conçu par Shigeru Miyamoto et Takashi Tezuka, propose pour la première fois un défilement horizontal fluide à l’écran. Les joueurs incarnent Mario (ou Luigi en deux joueurs alternés) dans le royaume des Champignons afin de délivrer la princesse (Toadstool/Peach) des griffes de Bowser. Le jeu introduit les power-ups emblématiques (Super Champignon qui fait grandir, Fleur de Feu, Étoile d’invincibilité) et des éléments ludiques comme les tuyaux de warp zone, les effets d’eau et les zones secrètes. Avec ses graphismes colorés soignés, sa musique légendaire de Koji Kondo et ses niveaux variés, Super Mario Bros. devient le plus grand succès commercial de l’histoire des jeux vidéo : plus de 40 millions d’exemplaires vendus sur NES (environ 58 millions toutes plateformes confondues). Il est souvent cité comme le jeu le plus influent de tous les temps et a permis de relancer l’industrie vidéoludique après le krach de 1983.

Super Mario Bros.: The Lost Levels (1986) est la suite japonaise directe de SMB, mais elle ne sortira pas en Occident à cause de sa difficulté extrême. Destiné aux joueurs ayant maîtrisé SMB, ce titre sur Famicom Disk System propose 32 nouveaux niveaux truffés de pièges (champignons empoisonnés, vents contraires, etc.) et différencie davantage Mario de Luigi (Luigi saute plus haut, Mario se déplace plus vite). Cet épisode signe aussi l’apparition de la « mort par chute infinie » supprimée et marque la fin de l’époque « bain de sueur » de la Famicom. Incompris par Nintendo of America, il sera remplacé par un autre « Super Mario Bros. 2 » au lieu de l’exporter directement.

Aux États-Unis et en Europe, le vrai Super Mario Bros. 2 est donc un jeu transformé : il s’agit du port de Yume Kōjō: Doki Doki Panic (1987) avec l’univers et les personnages de Mario. Sorti en 1988, il révolutionne le gameplay de la série. Chaque niveau se joue en side-scrolling, mais on ne saute pas sur les ennemis : on les soulève et on les lance. On peut choisir Mario, Luigi (meilleur saut), Peach (lévitation) ou Toad (rapide) avec des capacités distinctes. Ce jeu introduit dans Mario le cast d’ennemis désormais classiques (Shy Guys, Birdo, Wart le crapaud final) et l’élément comique des plantes montées sur ressort. Sans mode deux joueurs, il fut toutefois un immense succès commercial et sera réintégré plus tard dans les compilations All-Stars.

Super Mario Bros. 3 clôt la trilogie NES. Sorti fin 1988 au Japon (1990 en Occident), il repousse encore les capacités de la console. Cet épisode est peut-être le plus chargé en nouveautés : il offre une carte du monde présentant les 8 royaumes à parcourir, remplie d’itinéraires alternatifs. Il introduit de très nombreux power-ups inédits – la cape et l’armure Tanooki pour planer et transformer les ennemis en statue, la tenue grenouille (nage et saut améliorés), le marteau de Bowser, l’abeille, le bloc de glace, etc. – qui deviendront récurrents. Les sept enfants de Bowser (« Koopalings ») font aussi leur première apparition. Parfaitement huilé, le gameplay de SMB3 est acclamé par la critique comme l’apogée de la 8-bit. Le jeu domine les ventes NES avec plus de 17 millions d’unités écoulées dans le monde. Cette popularité fut telle qu’une série animée Super Mario Bros. 3 est diffusée dès 1989, étendant l’impact culturel du jeu.

Transition sur 16 bits et portables (1989–1995)

Super Mario World marque le passage à la 16-bits. Lancé au Japon en novembre 1990 (août 1991 en Occident) comme jeu de lancement de la Super Famicom/SNES, il est développé par l’équipe Nintendo EAD de Miyamoto et Tezuka. C’est le premier Mario en haute résolution : il exploite pleinement le processeur graphique de la console avec des décors variés et des effets Mode7. Le plus grand ajout est Yoshi, un dinosaure complice sur lequel Mario peut monter pour gagner de nouveaux pouvoirs (glissade, souffle de feu, carapace volante, etc.). Le jeu reste fidèle aux bases de SMB3 (carte du monde, niveaux 2D, 8 mondes) tout en offrant une plus grande liberté d’exploration (chemins cachés, maisons de Warp). Il est immensément bien reçu : souvent considéré comme un des meilleurs jeux de plate-formes 16 bits, il devient le meilleur vendeur de la SNES avec plus de 20 millions de copies écoulées. Son succès encourage Nintendo à produire une « préquelle » en 1995 et fait durablement de Mario un personnage phare de la console.

Super Mario Land inaugure la série sur consoles portables. Premier jeu Mario sur Game Boy (sorti à son lancement en avril 1989), il est dirigé par Gunpei Yokoi et son équipe R&D1. Pour la première fois, Mario voyage hors du Royaume Champignon : l’action se déroule au royaume de Sarasaland, avec une ambiance esthétique inspirée de l’archéologie (pyramides, temples) et des fleurs exotiques. Face à Mario : Tatanga, un alien kidnappant la princesse Daisy (première apparition de Daisy). Comme la portable est monochrome, le design graphique de Mario a dû être simplifié (plus « carré »). Le jeu, court (12 niveaux) mais varié (sauts d’autruches, vaisseau spatial, guerre maritime) se vend extrêmement bien, l’un des tous meilleurs scores sur Game Boy, malgré des critiques moyennes sur sa faiblesse de durée de vie. Il reste néanmoins culte pour avoir imposé Mario en balade en 2D sur petit écran.

Super Mario Land 2: 6 Golden Coins (1992) étend l’aventure Game Boy. Le héros revient pour libérer son île des griffes de Wario, personnage malicieux introduit comme double maléfique de Mario. Cette fois, la structure emprunte beaucoup à Super Mario World : niveaux connectés sur une grande carte, multiples chemins, bonus cachés. C’est aussi l’épisode où apparaît la fameuse Birdo en boss. Critique et public s’accordent à trouver ce jeu très réussi : il reprend l’élan de Super Mario Land tout en proposant plus de défi et de variété. Avec plus de 11 millions de copies vendues, il reste parmi les classiques Game Boy. Surtout, l’introduction de Wario fait l’effet d’une bombe : son succès immédiat donnera naissance à la série spin-off Wario Land.

Super Mario World 2: Yoshi’s Island (1995) clôt cette période 2D sur Super Nintendo. Officiellement, c’est la suite de SMW, mais on y incarne majoritairement les Yoshis qui transportent Bébé Mario enlevé par Kamek. Ce titre révolutionne le style visuel de la série : chaque décor semble dessiné au pastel, avec un rendu « papier » envoûtant. Sur le plan technique, il fait appel à une puce spéciale pour gérer les effets (rotations, déformations) sur la SNES. Le jeu est unanimement salué comme un chef-d’œuvre de plate-forme : son level design malin et ses boss imaginatifs en font un des jeux les mieux notés de l’ère 16-bit. Il vend environ 4 millions d’exemplaires et conclut la génération 16-bit de manière éclatante. Yoshi’s Island laisse également un héritage durable : la formule « artiste graphique+plate-forme » sera réutilisée sur Game Boy Advance et Switch par la suite, et la popularité des Yoshis donnera lieu à de nombreux dérivés.

Renouveau des Mario 2D (2000–2012)

Après l’ère 16-bit, Nintendo fait presque délibérément évoluer Mario vers le 3D (avec Mario 64, Galaxy, etc.). Néanmoins, dans les années 2000, le monde réclame le retour du Mario classique en 2D. Nintendo répond progressivement : entre 2001 et 2004, la série Super Mario Advance sur Game Boy Advance réédite plusieurs épisodes NES/SNES (SMB2 (JP), SMB3, Yoshi’s Island, SMB2 (USA)) avec des graphismes remastérisés et du contenu bonus – des portages sans innovations majeures, mais qui entretiennent le patrimoine Mario 2D.

Le véritable renouveau survient en 2006 avec New Super Mario Bros. sur Nintendo DS. Ce jeu crée la surprise en mélangeant esthétique classique en 2D et décors modélisés en 3D (effet 2.5D), pour des niveaux rappelant SMB3/SMW. Il réintroduit Mario et Luigi côte à côte dans la scène classique et ajoute même quelques mouvements tout droit tirés des jeux 3D (le ground-pound, le triple saut, le wall-jump). Commercialement, c’est un raz-de-marée : plus de 30 millions d’exemplaires vendus dans le monde, faisant de NSMB le jeu le plus vendu sur DS et relançant la mode des plateformes 2D sur consoles récentes. La critique salue son gameplay simple mais éprouvé, tout en notant sa faible difficulté. Le succès de NSMB (2006) se prolonge par une série de suites annuelles : New Super Mario Bros. Wii (2009) et New Super Mario Bros. 2 (2012), puis NSMB U (2012), formant un sous-genre à part entière.

Sorti en novembre 2009, New Super Mario Bros. Wii offre pour la première fois sur console de salon un Mario 2D avec coopération simultanée jusqu’à quatre joueurs. L’expérience de jeu explose littéralement : plus d’ennemis à l’écran, des items inédits (le champignon hélice qui fait décoller Mario, le costume pingouin pour glisser sur la glace, le champignon glace pour geler l’eau, etc.), sans oublier la possibilité de s’entraider ou de se gêner (chaos hilarant à quatre). Ce titre, bien que reposant sur les mêmes mécaniques des New Mario précédents, ajoute aussi le système de « Super Guide » pour aider les moins aguerris. Il est aussi un succès massif et devient l’un des plus grands hits de la Wii.

En 2012, Nintendo sort deux nouveaux épisodes 2D. Le premier est New Super Mario Bros. 2 sur 3DS. Son concept fort : la « frénésie de pièces d’or ». L’accent du gameplay est délibérément mis sur la collecte de pièces (soutenu par Miyamoto lui-même, qui considérait que ramasser des pièces de monnaie doit rester satisfaisant). Plusieurs power-ups dorés apparaissent (la fleur d’or transforme les blocs en pièces, l’anneau d’or rend les ennemis dorés et générateurs de pièces, le block Masque libère des pièces quand on court). Le jeu propose aussi un mode « Pièces Rapides » et des niveaux spéciaux à acheter en DLC pour battre son record de pièces. Malgré des critiques moyennes, il se vend fort et se classe parmi les meilleures ventes sur 3DS. L’autre sortie, New Super Mario Bros. U sur Wii U, est un jeu HD ultra-coloré calqué sur NSMB Wii mais avec quelques nouveautés : le super-champignon Écureuil (qui permet de planer doucement), le bloc pivotant, ainsi qu’un « Boost Mode » où un cinquième joueur muni du GamePad peut aider en plaçant des blocs ou en neutralisant des ennemis. Cette version est accompagnée d’une extension solo payante New Super Luigi U (2013), qui propose des niveaux défi pour Luigi. NSMB U s’écoule à environ 5,8 millions de copies sur Wii U, modeste en comparaison des précédents mais respectable pour une console en fin de cycle. Son portage « Deluxe » sur Nintendo Switch (2019) a par ailleurs élargi son audience.

Super Mario Bros. Wonder (2023) – le grand retour

En août 2023, Nintendo annonce Super Mario Bros. Wonder pour Nintendo Switch, sorti le 20 octobre 2023. C’est le premier nouvel épisode 2D de Mario en plus de dix ans (depuis NSMB U en 2012). Wonder mise sur l’innovation : chaque monde introduit un « Wonder Flower », fleur qui déclenche des effets surprenants en cours de niveau – transformations de tuyaux, salves d’ennemis ou changements de perspective – créant une expérience imprévisible et jubilatoire. Le jeu adopte un style graphique inédit, très coloré et plus illustratif, conçu par un dessinateur dont le style se démarque par son expressivité. Côté personnages jouables, Mario retrouve en équipiers Peach, Toad et pour la première fois en héros jouable principal, Daisy. Parmi les nouvelles mécaniques de jeu, citons la transformation en Mario-Éléphant (nouveau costume spécial) qui gonfle Mario pour écraser obstacles et ennemis. À sa sortie, Super Mario Bros. Wonder est accueilli avec enthousiasme par la presse et les fans, qui saluent son renouveau audacieux tout en restant fidèle à l’esprit 2D de la franchise. Ce nouveau chapitre, fidèle aux racines de Mario tout en inventant, confirme que la saga en 2D est loin d’être terminée.

Conclusion : l’héritage inaltérable de Mario 2D

En plus de quarante ans d’histoire, la série principale des jeux Mario en 2D a évolué sous de multiples formes, de l’arcade en noir et blanc à la HD du Switch tout en restant fondamentalement axée sur le plaisir du saut et de la plate-forme. Chaque épisode a apporté son lot d’innovations techniques (passage au scrolling, modes multijoueur, effets visuels, nouvelles puces graphiques) et de concepts ludiques, tout en consolidant la formule de base (exploration, power-ups, vilains iconiques). Les anecdotes de développement (exploration des limites matérielles NES/SNES, intérêt pour les pièces, création de personnages comme Luigi ou Wario) témoignent de la passion des équipes Nintendo pour peaufiner le gameplay à chaque génération. Commercialement et culturellement, Mario 2D a généré d’innombrables produits dérivés, a battu des records de vente et attiré des foules de fans à travers le monde. Plus qu’une simple série de jeux, ce sont les aventures en 2D du héros à la casquette rouge qui ont forgé l’identité ludique de Nintendo et continuent de faire rêver les fans. Ce tour d’horizon complet montre que la magie de Mario en 2D, mêlant nostalgie et créativité, reste aussi vive qu’à ses débuts.

Sources : Cet article s’appuie sur des archives publiques, interviews et analyses pour les dates et faits clés. Les détails de développement et anecdotes proviennent de récits historiques des créateurs (Miyamoto, Gunpei Yokoi, Takashi Tezuka) et de publications spécialisées sur l’histoire des jeux vidéo. Les chiffres de ventes et d’accueil critique sont tirés de rapports et bases de données publiques sur le jeu vidéo.