Comment l’e-sport féminin évolue en France en 2025 : chiffres, défis & opportunités
Le secteur de l’e-sport en France est en plein essor, avec environ 11,8 millions de Français qui s’y intéressent ou y participent en 2023. Parmi eux, la pratique du jeu vidéo séduit massivement les femmes : en 2024, 67 % des Françaises jouent aux jeux vidéo, et elles représentent 48 % des joueurs réguliers (soit près de 18,3 millions de personnes). Malgré cette parité du public gaming global, la compétition e-sport reste nettement dominée par les hommes. Les études convergent : selon Women in Games France, seulement 6 % des compétiteurs esportifs français sont des femmes, un chiffre confirmé par le Baromètre France Esports (7 % en 2023). Autrement dit, la quasi-moitié des joueurs et joueuses de jeux vidéo ne se reflète pas dans les équipes et tournois professionnels, où les femmes restent minoritaires.
L’audience féminine et la pratique du jeu en France
Cette désaffection des femmes au niveau pro ne signifie pas qu’elles ne participent pas au secteur. Au contraire, une part importante des spectateurs d’e-sport est féminine : dans le monde, environ 33 % des téléspectateurs d’esports sont des femmes. En France, une enquête STAKRN indique même que 38 % des personnes assistant aux compétitions en ligne ou dans les salles en 2024 étaient des femmes. Les joueuses se tournent davantage vers le streaming et le jeu amateur : par exemple, les jeux de stratégie et de combat accueillent jusqu’à près de la moitié de participantes féminines, mais ces dernières peinent à franchir le cap de la scène professionnelle. Mondialement, moins de 5 % des joueurs pros sont des femmes, bien que l’on atteigne presque la parité (environ 46 % de femmes parmi les joueurs) dans le gaming grand public. Ce contraste témoigne d’un déséquilibre persistant entre la passion du jeu des Françaises et leur présence sur scène. Néanmoins, le public féminin constitue un enjeu d’avenir : les femmes représentent déjà près de 33 % de l’audience e-sport en 2024, et chaque année de nouvelles joueuses s’investissent dans les compétitions amateures (nationaux ou online).
Les équipes et talents français à suivre
En 2025, quelques clubs français se distinguent sur la scène e-sport féminine. La Karmine Corp a ainsi remporté coup sur coup les deux premiers segments 2025 du circuit Game Changers EMEA sur Valorant, confirmant sa suprématie sur cette ligue européenne féminine. De son côté, Team Vitality s’est imposée à l’Esports World Cup de Mobile Legends (Bang Bang) fin 2024, remportant tous ses matchs avec brio. Plus récemment, la structure parisienne Zerance s’illustre sur CS2 en recrutant des joueuses de haut niveau issues de la scène Impact. Ces succès confirment qu’il existe en France des organisations prêtes à investir dans des effectifs féminins ou mixtes compétitifs.
Parmi les joueuses françaises, certaines noms sont devenus emblématiques. Marie-Laure « Kayane » Norindr est l’une des pionnières : originaire de Paris, elle se fait connaître dès l’enfance dans les jeux de combat (SoulCalibur, Street Fighter, etc.) et cumule de nombreux titres. Kayane a notamment détenu le record Guinness du nombre de podiums féminins en tournois de jeux de combat et figure toujours comme une ambassadrice historique de l’e-sport français. D’autres talents émergents (comme la joueuse LoL Ève « Colomblbl » Monvoisin, recrutée par le collectif européen G2 Hel) ouvrent la voie à une nouvelle génération. En parallèle, des professionnelles hors-jeu telles que Laure « Bulii » Valée (journaliste e-sport) ou Julie Jeanniot (responsable Riot Games France) œuvrent également pour la visibilité des femmes dans le secteur, montrant que l’évolution passe aussi par des figures féminines médiatiques et institutionnelles.
Les défis de la mixité dans l’e-sport
- Stéréotypes et sexisme – Le principal obstacle reste le climat parfois toxique du jeu en ligne. De nombreuses joueuses subissent des moqueries, insultes et comportements condescendants dès qu’elles révèlent leur identité ou leur talent. Ce sexisme ambiant entretient des préjugés persistants (par exemple, l’idée fausse que les hommes seraient « naturellement » meilleurs en compétition), poussant beaucoup de femmes à ne pas oser participer aux tournois ou à abandonner le jeu compétitif face à la pression. Le faible nombre de modèles féminins dans les compétitions renforce ce cercle vicieux, car les jeunes joueuses peinent à se projeter sur des carrières e-sportives sans voir de rôle modèles.
- Manque de formation et de pratiques – Dès l’enfance et l’adolescence, les conditions de pratique diffèrent : les filles sont souvent moins encouragées que les garçons à jouer et à s’équiper pour jouer intensément. Elles disposent en moyenne de moins de temps libre consacré au gaming, notamment en raison des préjugés familiaux ou scolaires. Ce retard à l’investissement compétitif se traduit par un déficit d’expérience de jeu à haut niveau. Ainsi, moins de filles reçoivent un entraînement structuré ou intègrent des communautés professionnelles, limitant leurs chances de progression vers le niveau pro. Par exemple, l’accès tardif aux jeux compétitifs et l’absence d’accompagnement personnalisé freinent l’acquisition des compétences nécessaires pour rivaliser avec les meilleurs.
- Écart de rémunération et de visibilité – L’économie de l’e-sport renforce aussi ces inégalités. En France, les cashprize et les salaires associés aux équipes mixtes ou féminines restent largement inférieurs à ceux de leurs homologues masculins. Les sponsors et médias investissent davantage dans les joueurs hommes, jugés plus rentables sur le plan économique et publicitaire. Conséquence : les joueuses gagnent en moyenne moins que les joueurs à niveau équivalent et décrochent moins de contrats lucratifs. Ce traitement différencié constitue un frein supplémentaire, décourageant les femmes à envisager une carrière stable dans l’e-sport lorsque les perspectives financières leur semblent moins prometteuses.
Initiatives et opportunités pour l’avenir
Malgré ces défis, plusieurs tendances et actions portent la promesse d’un avenir plus inclusif. D’abord, les organisations professionnelles et événements dédiés se multiplient. En 2023 a été créée la Coupe des Étoiles, la première compétition française exclusivement féminine sur League of Legends. Jouée chaque automne, cette coupe réunit les meilleures équipes de femmes et a déjà offert des prize pools de 10 000 € par édition, un signe de l’engagement croissant dans la valorisation du segment féminin. De même, la scène mondiale se dote progressivement de ligues féminines (Valorant Game Changers, LoL Game Changers EMEA, etc.), permettant aux talents français de s’inscrire dans des compétitions réservées aux femmes et de gagner en expérience internationale.
En parallèle, les acteurs de l’écosystème multiplient les actions de soutien. Des associations comme Women in Games France ou le dispositif ministériel « Les Femmes de l’Esport » proposent des incubateurs et programmes de mentorat pour joueuses. Par exemple, selon STAKRN Agency, 78 % des participantes aux programmes dédiés (incubateurs, formations) poursuivent ensuite une carrière dans l’esport, prouvant l’efficacité de ces initiatives. Les sponsors s’intéressent de plus en plus au public féminin : l’augmentation récente de 60 % des prize pools des tournois féminins en 2024 atteste de nouveaux investissements dans ce segment. Au niveau des clubs, certains géants comme Vitality ou Team Vitality investissent dans des équipes féminines (Vitality Rising Bees en LoL, KCorp Women en Valorant) ou organisent des événements inclusifs. Par exemple, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes 2025, Team Vitality et son sponsor ALDI ont organisé une « Rising Day » à Paris, une journée dédiée aux femmes dans l’esport (panel, tournois et rencontres) visant à promouvoir la diversité et inspirer de futures joueuses.
Enfin, la professionnalisation du secteur et le soutien public renforcent l’optimisme. Le plan national e-sport 2020-2025 intègre désormais la mixité comme un enjeu, et les acteurs politiques sont plus sensibilisés à l’égalité femmes-hommes dans le sport. De plus, la visibilité grandissante du sport féminin traditionnel a un effet d’entraînement sur l’esport : de plus en plus de médias couvrent les compétitions féminines et les influenceuses du gaming (streamers, commentatrices, créatrices de contenu) émergent comme relais d’inspiration. Sur notre blog Mont des Cartes, nous mettons également en avant la diversité du gaming : par exemple, découvrez notre article sur les sorties de jeux vidéo du 22 au 28 septembre 2025, ou parcourez notre guide “Config PC gamer” d’octobre 2025 pour approfondir votre expérience de jeu. Ces ressources illustrent notre volonté d’aborder tous les aspects de la culture jeu vidéo, y compris l’essor de l’e-sport au féminin.
Perspectives 2025 et au-delà
En résumé, l’e-sport féminin en France connaît une dynamique encourageante mais incomplète. Les chiffres montrent clairement une pratique massive du jeu par les femmes (près de la moitié des gamers), mais une très faible représentation au sommet des compétitions. Les obstacles restent nombreux (sexisme, manque d’accompagnement, inégalités économiques), mais les avancées se multiplient : clubs professionnels, événementiels et dispositifs de formation s’intéressent de plus en plus aux joueuses. Si cette tendance se confirme, l’avenir pourrait voir apparaître de nouvelles stars françaises (au-delà de Kayane) et une montée en puissance graduelle des tournois féminins. L’optimisme est de mise : les investissements des sponsors et l’ampleur du public féminin ouvrent des opportunités économiques et sociales considérables. Avec un soutien institutionnel renforcé et un écosystème prêt à évoluer, l’e-sport féminin en France pourrait gagner en visibilité et légitimité dans les prochaines années, faisant émerger enfin de vraies stars féminines sur la scène nationale et internationale. Les joueuses françaises en 2025 posent ainsi les jalons d’une discipline plus inclusive, où les défis actuels sont autant d’incitations à une mobilisation collective pour l’égalité dans le jeu compétitif.

